Cela ne m'avait pas manqué du tout ces trams et ces rues bondés. Toute cette foule compacte et fluide de gens stressés, inquiets, encombrés en plus de paquets gigantesques. Non, pas le moins du monde. En plus il pleut, la neige à déjà fondu et pour couronner le tout je travail ce soir et les suivants à la banque. Non pas pour manier les chiffres astronomiques de la consommation de mes concitoyens mais pour nettoyer les bureaux de ceux qui le font.
J'ai retrouvé mes collègues saisonniers et leurs discussions dont les thèmes et les répliques immuables me dépriment un peu. Il y a pourtant bien quelque chose qui a changé depuis la dernière fois que je suis venu gagner quelques francs: la banque à adopté une politique de recyclage du papier. C'est tout un remue-ménage pour nous tous et a tel point que désormais beaucoup de nos petites conversations de couloirs, d'ascenseur et d'attente à la machine à café ont radicalement changé de ton. Ce changement qui pourrait sembler insignifiants à vos yeux revêt pour moi la forme d'une petite révolution au sein de cet établissement. Ma petite déprime n'a pas duré longtemps, tant ce chambardement dans l'organisation de notre travail, le rend moins monotone. Je dois peut-être préciser que cette audacieuse décision ne touche absolument pas les cadres de la banque qui jamais ne pourraient s'imaginer (j'imagine) s'abaisser à une tâche aussi ingrate qui n'a aucune valeur sur le marché international des biens et des services, et représente surtout une immense perte de temps à ces humains surproductifs capables de gagner des millions pendant que je me fait une vingtaine de francs sans compter le coût du transport qui est à mes frais, que le tri du papier. Vous imaginez un seul instant, un cadre dans son costume noir, chemise blanche, cravate rouge bordeaux (c'est Noël après tout), gestionnaire de fortune. Il regarde sur l'écran de gauche l'inexorable défilement des indices de... Des indices. Vous l'imaginez vraiment détourner son attention du reste du monde, qui défile sur son écran sous la forme chiffrée, pour définir, avant d'être jeté, ce qui est du papier et ce qui ne l'est pas?
Bien sur que non. C'est donc à nous que revient ce travail fastidieux, les nettoyeurs. A qui d'autre d'ailleurs, en ces temps de crise on ne pourrait quand même pas engagé des gens a cette seule finalité que le tri du papier. Nous avons donc pour tâche supplémentaire, dorénavant, de plonger nos petites mimines dans chaque petit sac à déchets transparents situés sous chaque bureau pour y retirer le précieux papier que nous trions et recyclons par la suite. Inutile de vous demander si nous avons des gants pour le faire, puisque c'est non. Je me suis engouffré dans cette brèche pour refuser catégoriquement de le faire et puisque je ne m'était pas rasé... J'ai provoqué une sorte de mouvement de rébellion au sein du petit groupe de nettoyeurs d'habitude tranquilles et soumis aux aboiements de ma cheffe qu'ils craignent comme des petits chiens apeurés. En effet, face à la menace grippale (elle nous arrange bien celle là, tout d'un coup) nous avons protesté au responsable concerné du manque flagrant d'hygiène d'une telle tâche et plein d'autres ont sortit encore un tas d'arguments super bien foutus. Bref, cela va très certainement devoir changé car une circulaire va être distribuée informant que chaque employés devra désormais trier son papier.
C'est là que je me suis dit que ces quelques jours à Genève n'allaient pas me faire tant de mal, d'autant plus que je suis content de passer quelques jours à la maison, de dormir sur le canapé, de rire avec frère et de parler avec mes parent qui sont moins tendus avec moi et forcément moi avec eux. Depuis que je suis partit j'ai même eut l'occasion d'avoir des discussions incroyables, d'apprendre qu'ils sont fiers de moi, de ma persévérance à vouloir faire de la photo et tout ça.
Je me réjouis d'aller bosser demain soir. Ça va chier.